Documenter la production d’un café mais aussi le commencement d’un projet, c’est une tâche qui requiert beaucoup d’attention mais aussi de détail. Jasmin et moi étant des artistes mais également des entrepreneurs impulsifs, il peut être difficile pour quelqu’un de réellement comprendre la nature du projet mais surtout notre processus mental à travers cette aventure. More on that later. J’aimerais commencer par introduire notre nouveau et premier café, le Chaka de Gesha Village.
Gesha
Quelqu’un connaissant moyennement le domaine du café a peut-être déjà entendu le mot « Gesha » (ou encore Geisha, les deux sont acceptés). Le Gesha, c’est une variété de caféier découverte en Éthiopie dans la « Gori Gesha forest » maintenant cultivée pratiquement partout dans le monde. Avec l’augmentation de la demande pour du café de spécialité avec des notes de dégustations prononcées, le Gesha devient la cible numéro un de quelqu’un voulant goûter un café floral, doux et rond. Avec une torréfaction pâle, le Gesha produit des arômes très florales et claire (autant au nez qu’en bouche). En torréfaction plus médium, il produit un goût plus sucré mais très balancé et rond, toujours aussi clair.
Gesha Village est donc une ferme en Éthiopie dans la région de West Omo (près de la frontière au sud-ouest). Il s’agit d’une des fermes de café les plus réputées au monde. Vous l’aurez deviné, leur spécialité est la variété Gesha et leur ferme est presque exclusivement remplie de cette variété. Plus spécifiquement, Gesha Village cultive du Gesha 1931, du Gori Gesha ainsi que du Illubabor. La ferme est en très haute altitude, le plus bas point étant à 1909 mètres au-dessus du niveau de la mer et le plus haut étant à 2069.
« Chaka », ça signifie « Forêt » !
Le Chaka de Gesha Village est donc un mélange des trois variétés de la ferme passé sous un processus de lavage uniforme. On obtient donc un grain doux et floral avec un bon corps et une variété minime dans la grosseur et la densité. Fait est que, lorsque nous avons fait notre sélection d’échantillons chez Forward Coffee, l’importateur de ce lot, nous avions très hâte Jasmin et moi d’apprêter le Chaka dans une torréfaction de test et de goûter ce qu’on pouvait en retirer.
Quelqu’un qui démarre un projet de whatever-what comprendra qu’il y a toujours un sentiment d’excitation mais aussi un léger syndrome de l’imposteur. Savoir donner justice aux cafés qu’on avait entre les mains afin de bien les juger et de bien diriger notre choix, c’était et ce sera toujours le stress du sample roasting. Après avoir testé une vingtaine de cafés de quelques importateurs (nous avons peut-être abusés sur les samples, oups.), nous étions tous les deux d’accord sur deux points : le Chaka avait réellement quelque chose de spécial et nous avions envie de démarrer notre projet avec un café spécial et une provenance sur laquelle on peut se fier. Le Chaka ce fût!
Nucleus : Le comment et le pourquoi
Je reviens sur le démarrage du projet parce que c’est réellement un point important dans ce café. Nucleus, c’est l’aboutissement de la passion de deux geeks de café avec un rêve de torréfaction. Plus que ça, c’est une promesse qu’on s’est fait de dépasser nos propres attentes et d’y arriver à travers un processus suivant des valeurs strictes mais importantes. Et god knows que nos attentes et les défis à relever pour les atteindre étaient imposants.
C’est donc en sortant du Specialty Coffee Expo à Portland que nous avons, d’un pas déterminé, décidé d’acheter notre torréfacteur et de se lancer dans tout ça. Des semaines de tests, de cupping, de design, d’organisation et de préparation plus tard, le Chaka est lancé et nous sommes enfin près à vous en parler et à vous démontrer le fruit de notre travail.
Le Chaka en technicalités
Je n’irai pas trop en profondeur dans les technicalités de la torréfaction avec le Chaka puisque je prévois écrire plus à ce sujet et utiliser le Chaka comme exemple afin de bien vulgariser le tout. Cela dit, j’aimerais aborder plus en profondeur le développement des arômes du café et ce que nous avons pu explorer avec ce mélange. Lorsque nous avons fait nos premiers tests avec le Chaka, nous avions un café très lourd en bouche avec peu d’acidité et un goût assez terreux. Il était possible de déceler des arômes fruités mais seulement après avoir laissé le café refroidir un bon 15 à 20 minutes. Quelqu’un connaissant bien la chimie derrière le développement du café à travers la torréfaction aurait facilement pu résoudre notre problème en lisant la phrase précédente. Ce n’était malheureusement pas encore notre cas.
Pour faire chose rapide, lorsque le café est récolté, il passe sous un procédé de lavage ou de fermentation qui permet au grain de contenir certains arômes, un certain potentiel. Lorsque le café passe à travers la torréfaction, le grain relâche son humidité et effectue une panoplie de réactions chimiques provoquées par la chaleur qui vont, entre-autres, lui donner sa couleur et lui permettre de créer des arômes. Le grain va donc seulement se déshumidifier durant les premières minutes de la torréfaction, jusqu’à commencer à jaunir. Pendant ce qu’on appelle le jaunissement, des réactions thermiques dans le grain vont créer des arômes à partir des molécules déjà présentes. C’est ce que j’aime appeler le « Potentiel » du grain. Je n’ai pas trouvé encore de meilleur terme pour expliquer ce processus puisque la création de ces arômes représente réellement la libération d’un potentiel que l’on va ensuite aller exploiter et modifier à notre préférence. Après avoir été créés, les arômes se transforment à travers ce qu’on appelle la caramélisation. Similaire à la photosynthèse, la caramélisation va utiliser la chaleur comme énergie pour enclencher des réactions qui créent des sucres et modifient les arômes du grain.
Pour ceux qui se sont perdus dans mon explication, il s’agit simplement de laisser les grains développer un potentiel d’arômes, laisser ces arômes se transformer et décider où couper le processus pour atteindre un objectif de goût, de texture, de corps, etc. Un café sous-développé (donc sorti très rapidement et ayant peu de caramélisation) a tendance à avoir beaucoup d’acidité agressante. Un café sûr-développé (donc sorti très tard ou stagné à une certaine température et ayant beaucoup de caramélisation) a tendance à avoir beaucoup d’amertume.
Pour en revenir au Chaka, quelqu’un ayant maintenant une petite idée du fonctionnement de la torréfaction pourrait maintenant déduire que notre goût terreux et peu acide provenait en réalité d’une torréfaction trop lente, trop longue et ayant une stagnation (je vais revenir plus tard sur la stagnation, très important mais gros sujet). Après avoir testé des courbes de torréfaction plus rapides avec des températures finales plus basses pour avoir moins de caramélisation et une torréfaction généralement plus pâle, nous avons finalement trouvé le sweet-spot qui nous permettait d’aller chercher l’aspect floral du café avec le goût de fin légèrement sucré tendant vers le miel. Nous avons donc un temps de torréfaction total de 6 minutes 5 secondes avec une température finale de 214 degrés Celsius.
Bref
Pour terminer, j’aimerais mentionner que le Chaka porte une place spéciale dans mon cœur non-seulement parce qu’il s’agit du premier café que nous apportons en production mais également puisque nous avons un sentiment de fierté d’avoir la chance de torréfier un café de si grande qualité et de si impressionnante réputation comme premier lot de notre Lab Café.
Merci de votre support!
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