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Comment réussir sa torréfaction

21 juin 2024 ● Louis-Charles Blais

Le titre est peut-être un peu intense, je l’avoue. Ce que j’aimerais discuter aujourd’hui, c’est les variables qui, selon mes tests, théories et expérience accumulée, vont gâcher ou réussir une torréfaction.

Il peut être difficile de démêler toutes les théories par rapport aux différentes variables de torréfaction et leur influence sur le goût final du café. Certaines théories se veulent basiques et sont très facile à prouver à l’aide de tests de torréfaction et de cupping mais d’autres sont basées sur des variables mal définies et sont difficile à approcher avec une méthode scientifique.

Les variables de la torréfaction

Avant tout, j’aimerais redéfinir certaines variables afin d’aider l’explication des théories liés à la torréfaction :

  • Bean Temp (BT) : Température des beans à l’intérieur du roaster, souvent mesuré avec un ou plusieurs thermomètres dans le drum, en contact avec le café.
  • Exhaust temp (ET) : Température de l’air à la sortie du drum.
  • First crack (FC) : Moment auquel le café commence à craquer. Le FC est perçu très clairement par le son dans un petit roaster tandis qu’il est plutôt détecté autrement que par le son dans des roasters plus gros et/ou plus bruyants. À ce moment, la pression à l’intérieur du grain le force à s’ouvrir et à craquer pour faire sortir l’humidité contenue à l’intérieur, maintenant transformée en vapeur. Tout dépendant du roaster, de la vitesse à laquelle on se rend au FC et du grain en question, la température à laquelle le FC commence peut varier. Pour nous, le FC arrive généralement entre 194 et 200 degrés sur la lecteur du BT.
  • Time to first crack (TTFC) : Il s’agit du temps requis pour se rendre au FC. En d’autres mots, si le FC intervient à 7min30 de roast, le TTFC est de 7min30 puisque le café a passé ce temps à roaster avant de crack.
  • Development time (DT) : Il s’agit du temps passé dans le roaster entre le FC et la fin du roast. Généralement interprété en minutes et en secondes, le DT peut donner un bon indicateur du niveau de torréfaction et de la couleur (entre autres).
  • Total time (TT) : Temps total du roast.
  • Development time ratio (DTR) : Amenée par Scott Rao dans les dernières années, la mesure du DTR consiste à représenter le ratio du DT par rapport au TT en pourcentage. Par exemple, si le TT est de 10 minutes et le DT est de 2 minutes, on pourrait dire que le DTR est de 20%. Pour moi, cette mesure est surtout utile afin de comparer une courbe à une autre provenant d’un différent roaster. Je discuterai plus tard de cette variable et de pourquoi je la trouve trop subjective à la situation pour être réellement utilisée.
  • End temp : La température de fin du roast est hyper importante dans le processus de torréfaction. Il s’agit évidemment de la température à laquelle nous allons terminer la torréfaction et sortir le café du roaster pour l’envoyer au refroidissement. Il s’agit d’un des facteurs qui influence la couleur et le niveau de torréfaction.
  • Rate of rise (RoR) : Il s’agit de la vitesse à laquelle la température monte à l’intérieur du roaster. C’est un dérivé direct de la température et non une variable en tant que tel. Simplement une manière de voir le progrès du roast et de mesurer « l’inertie » de la torréfaction. J’utilise inertie avec des guillemets évidemment puisque ce n’est pas réellement de l’inertie mais simplement une manière de le visualiser. Un peu comme un speed-o-meter dans une voiture, le RoR donne une interprétation de la vitesse du roast et donc selon sa vitesse, on peut estimer combien de temps on mettra à se rendre à notre température finale. Allez lire notre article sur le RoR pour une meilleure compréhension!
  • Couleur : La couleur finale du café. Pour le bien de la cause, je vais donner des indication de couleur basées sur du café moulu, ce qui ne prend évidemment moins bien en compte la distribution de couleur mais qui donne une meilleure idée globale. La couleur est mesurée en Agtron, plus c’est haut et plus c’est pâle.
  • Weight loss (WL) : La perte de poids est un effet de la torréfaction puisque l’humidité contenue à l’intérieur du grain est évaporée et une bonne partie du chaff est retiré. Lorsqu’on termine une batch, on peut mesurer la perte de poids et l’exprimer en pourcentage. Nos tests ont prouvé que la perte de poids est un indicateur de consistence dans la torréfaction mais ne peut en aucun cas être utilisée pour définir un café ou un profil puisqu’elle ne dévoile absolument rien sur la courbe de torréfaction.

Je pense que ça suffit!

Les relations entre les variables de la torréfaction

Voici maintenant quelques relations entre les différentes variables qui pourrons mettre en situation les différentes théories à venir.

  • Le DT est proportionnel à la couleur : Plus on augmente le temps de développement, plus le café devient foncé.
  • La end temp est proportionnelle à la couleur : Plus notre température finale est élevée, plus le café devient foncé.
  • L’acidité est proportionnelle au DT et à la end temp : Plus on utilise un DT bas et une end temp basse, plus l’acidité sera prononcée. Dépendant évidemment du café.
  • L’amertume est proportionnelle au DT et à la end temp : Plus on utilise un DT haut et une end temp haute, plus l’amertume sera prononcée. Dépendant évidemment du café.
  • La couleur est environ proportionnelle au WL : Plus le café devient foncé, plus il va perdre du poids. À prendre avec un grain de sel.

Nous avons donc la compréhension suivante : Lorsque les beans entrent dans le roaster, nous allons les chauffer jusqu’à une certaine température. Avant d’atteindre cette température, le café va craquer. Le temps qu’il passera entre le FC et la fin ainsi que la température de fin elle-même vont déterminer son niveau de torréfaction.

Premier test

Voici un profil de torréfaction et ses résultats avec deux courbes différentes partageant les même objectifs de variables : TTFC : 9min, FC @ 196 deg, DT de 2min, End temp 204. Il s’agit du même café, un guatémaltèque naturel anaérobique d’un seul producteur.

Dans la première courbe, nous avons un profil très standard avec un RoR en déclin constant. La température est finalement arrivée un peu plus basse que prévue à 203 deg. On mesure 76,7 agtron pour la couleur moulue.

Dans la deuxième courbe, nous avons un profil très peu standard ou nous partons très vite, ralentissons et puis reprenons de la vitesse pour arriver au FC au même moment et avoir exactement le même profil de développement. Le DT est le même mais la température a finie légèrement plus haute à 205 deg. On mesure 75,5 agtron pour la couleur moulue. Sans surprise, légèrement plus foncé que la première courbe

La perte de poids est exactement pareille sur les 2 batchs à 15.3%.

Cupping

Nous avons fait un blind-cupping avec les 2 cafés. Les deux semblaient pas assez développés à mon goût, un peu trop acide (je fais habituellement ce café à 2min45 de développement mais pour le bien de la cause j’ai réduit ça à 2min). On goûte clairement la fermentation et le côté anaérobique. Un peu de citron ou d’orange acide. Le point important est que nous n’avons jamais été en mesure de différencier ce que les 2 cafés avaient de différents. Ils n’étaient peut-être pas identiques (quels cafés le sont vraiment) mais leur profil, leur corps, leurs arômes étaient exactement les mêmes. Une chose est certaine, nous ne pouvions pas les associer correctement à leur courbe.

Ce qu’on a appris

À première vue, voici ce qu’on pourrait conclure de ce test : En gardant un temps de développement constant ainsi qu’une température de fin constante, on peut obtenir une même couleur ainsi qu’un même profil de goût final. Par la similitude presque identique entre les deux cafés, on peut déduire que le comportement de la température avant le FC n’affecte pas énormément la tasse finale. Contrairement à la théorie selon laquelle le RoR devrait toujours être en déclin, nos tests démontrent qu’un trou de RoR avant le FC n’affecte pas (ou presque pas) la tasse finale.

Deuxième test

Voici un deuxième test dans la même optique avec un café différent et un profil différent : TTFC : 8min30, FC @ 196 deg BT, DT de 3min, End temp 210 BT. Il s’agit du même café, un brésilien naturel de coopérative.

La première batch obtient une couleur de 81.9 agtron en suivant une courbe standard avec un RoR en déclin.

La deuxième batch obtient une couleur de 81 agtron en suivant le même concept de le premier test, volontairement créer un trou dans le RoR avant le FC et ensuite suivre la même courbe pour le temps de développement. La courbe après le FC n’était pas parfaite parfaite, le RoR a eu une petite remontée vers la fin et nous a apporté à une température légèrement plus haute à 211,5 deg BT, ce que explique la couleur légèrement plus foncée.

Pour la troisième batch, nous essayons quelque chose pour confirmer notre théorie : Créer un trou dans le RoR APRÈS le FC. Nous avons donc essayé de suivre les même variables en ayant un RoR en déclin avant le FC et créer le trou directement pendant le développement. Ce fût plutôt difficile de rester fidèle au 3min de DT et 210 deg de fin, on a plutôt terminé à 3min12 de DT et 208.2 deg BT de fin. La couleur est de 86 agtron (légèrement plus pâle que les 2 autres).

Cupping

Nous avons fait un blind-cupping avec les 3 cafés, voici les résultats. Sans aucune hésitation, les 2 premières batchs sont identiques. À la limite, nous trouvons que la deuxième batch a légèrement plus d’arômes de chocolat et légèrement moins d’acidité. Ce serait expliqué par la température de fin légèrement plus haute. Le troisième batch est une autre histoire. Aucune arôme particulière, très watery, flat, décevante. Un peu trop d’acidité et une astringence flagrante. Pour faire référence à notre article sur les erreurs de torréfaction, c’est définitivement un café qui a « bake » ou qui a eu une stagnance de température qui détruit les arômes intéressantes. Je n’aurais jamais servi le café #3 à mes clients. Les deux premiers par contre étaient super intéressants et ne présentaient pas d’erreurs de torréfaction apparentes.

Ce qu’on a appris

On peut considérer que la théorie qu’on avait par rapport au RoR avant le FC s’avère fonctionner dans ce test également. Les 2 premiers cafés ont un profil de goût presque identique et ont pourtant une courbe complètement différente avant le FC. Le temps de développement ainsi que la température de fin sont donc réellement déterminant du goût final. Le test 3 a par contre permis de nous apprendre qu’une courbe avec un RoR en déclin est important APRÈS le FC. En effet, si le RoR descend trop bas et qu’il doit ensuite remonter pour arriver à atteindre la température de fin désirée, on crée un phénomène de cuisson qui détruit les arômes intéressantes et prononce l’astringence, exactement comme si on faisait stagner notre température.

Troisième test

Après tout ça, une observation me restait en tête : Ces tests ont plusieurs choses en commun : La température de fin, le temps de développement ainsi que le temps total. La question s’imposait : Est-ce que le point d’impact est réellement le temps de développement ou pourrait-il être simplement le temps total du roast, peu importe à quel moment le café craque?

Nous avons repris le guatémaltèque naturel anaérobique et mené un troisième test avec ce café : Garder le même temps de développement, la même courbe en descente de RoR après le FC et la même température de fin mais arriver au FC plus rapidement.

Cette troisième batch a donc pris 7min39 à se rendre au FC (1min24 de moins que la batch 1) et a ensuite eu un temps de développement de 2min et une température de fin de 204.3 BT (1.4 deg de plus que la batch 1). On est donc sur un profil identique à la batch 1 mais avec un TTFC de 1min24 de moins.

Cupping

Nous avons refait un blind-cupping des 3 cafés. Les trois cafés ont un profil presque identique. La batch 1 et 2 sont toujours aussi identique qu’avant et la batch 3 se fond dans le décors. Même profil acidulé avec une touche de citron. Nous n’avons pas été capable d’associer aucun café à sa courbe, ils semblaient réellement identique.

Ce qu’on a appris

En bref, on confirme que, selon nos tests, le temps de développement et la température finale sont les 2 variables qui nous ont permis de créer une consistance dans nos roasts. Avec un temps de développement approprié, une température finale appropriée et un temps de développement sans stagnance dans la température, on arrive à un profil super intéressant et aromatique.

Comment utiliser ces tests pour réussir sa torréfaction

En bref, le but de cet article était de définir quels sont les cordes sensibles de la torréfaction. Nous avons longtemps essayé de créer des courbes parfaites avec un RoR qui descend tranquillement, nous avons souvent essayé de trouver la température de chargement idéale pour ne pas faire de marques sur les grains, etc. Au final, ce qui s’est prouvé réellement utile et ce qui a permis de créer des torréfactions presque parfaites coup après coup, c’est le temps de développement et la température finale.

Apprenez à maîtriser ce qu’il se passe après le FC et gérer le power pour ne pas arriver avec trop d’énergie au FC et vous aurez probablement plus de control sur votre profil final.

  • Vous trouvez votre café trop acide? Essayez de viser un température de fin plus haute.
  • Vous trouvez votre café trop amer? Essayez de viser un température de fin plus basse.
  • Vous trouvez votre café trop vide ou trop clair? Essayez de viser un temps de développement plus long.
  • Vous trouvez votre café trop sucré ou trop velouté? Essayez de viser un temps de développement plus court.

Au final, le meilleur café est celui que vous préférez. En mon opinion, le plus important n’est pas nécessairement de créer le « café parfait » mais plutôt de comprendre comment l’amener vers ce qu’on veut obtenir et d’être capable de le reproduire batch après batch avec confiance. En comprenant les causes et effets de chaque variable, on est en mesure de mieux s’adapter et viser adéquatement notre objectif.

Quelques notes avant la fin

Quelques observations à prendre en compte en suivant les résultats de nos tests :

Le DTR n’est pas nécessairement une donnée fiable. Comme nous avons vu, le temps de développement ne doit pas nécessairement être en relation avec le temps total. Ceci dit, le ratio de temps de développement (DTR) n’est donc pas une donnée fiable. Pour prouver ceci, les batchs 1 et 3 du café guatémaltèque étaient pratiquement identique au goût et avaient pourtant un DTR de 18% et 20% respectivement, ce qui est une assez grosse différence.

Ce qui se passe avant le FC n’est pas nécessairement inoffensif. Nous n’avons pas abordé réellement la question de la température de début à laquelle nous réchauffons le roaster. Elle est également très importante pour réussir sa torréfaction puisqu’une température trop haute peut brûler les grains (scorch en anglais) et créer de l’astringence. C’est une variable très différente pour chaque machine mais essayez de trouver une température qui marche bien pour vous. Pas trop basse ni trop haute.

La perte de poids. Nous avons observé également que pour tous nos tests, la perte de poids était constante. Malgré que cette donnée ne nous donne aucune idée sur le comportement du roast et sur le résultat final en tasse, elle peut être utilisée pour confirmer que toutes les batchs suivent une certaine consistence. Il est une bonne pratique de toujours mesure la perte de poids d’un café après chaque batch et de peut-être remettre en question sa consistence si on obtient une valeur vraiment éloignée de ce qu’on a d’habitude.

Les données sont toujours subjective à la situation. On pourrait penser qu’un chemin facile pour apprendre à torréfier et de se fier sur les données de quelqu’un d’autre et les recopier. Ce n’est pas si facile que ça. Simplement se rappeler que toutes les données de température et de temps sont toujours subjectives à la machine que vous utilisez. Un roaster à conduction unique aura un comportement différent d’un roaster à convection. Un roaster de 20kg n’aura pas le même comportement qu’un de 2kg. Les thermomètre utilisés peuvent parfois être placés à des endroits différents qui vont donner des lectures à interpréter différemment. Bref, assimiler la théorie mais prendre les données avec un grain de sel me semble juste.

Faites vos propres tests!

Faites vos expérimentations avec vos grains, suivez une méthode scientifiques et partagez vos résultats! Plus on est de geeks, plus on perce les questions et trouve des réponses. En plus, faire des tests est vraiment un des moyens les plus efficaces pour bien comprendre sa machine et s’améliorer en cupping :)

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